Mardi 30 octobre 01, Samâdhi PM

Errance, je suis en errance,
Depuis quand donc ?… Je ne m’en souviens plus très bien à quand cela remonte.
Et en errance de quoi ? Le sais-je seulement en quelque part ?…Un chemin, la vie ?… La vie est le chemin que l’on se doit prendre ?… Et l’errance alors ?… La vie, un corps, quel rapport avec cette errance qui est enracinée si en profondeur en ma mémoire, mémoire de quoi, de qui, qui erre elle-même en ma pensée — tout ceci est bien étrange et bien compliqué — s’en vient-on en la vie pour jouer ces pas incertains sur un sol de terre, sous un ciel qui a même le culot d’être bleu ? Ca aussi il fallait le faire, oser nous mettre sous le nez un ciel bleu ! tout cela est trop étrange et compliqué pour moi… et pourtant, mes jambes et mes pas sont là pour me le rappeler, leurs empreintes sur le sable humide et la gadoue des jours de pluie me le rappellent sans cesse, j’ERRE ! et j’erre encore, tout nu ou en costard-cravate, ça n’a pas grande importance, j’erre. Ces empreintes-mémoires de l’éphémère me font goûter l’amer de cette condition si tant absurde, j’erre et j’erre encore. Est-ce à jamais ?… Est-on voué à cette geste apparue si peu mystique en sa trivialité si tant récurrente et répétitive ? S’il est une “éphéméritude’’ dans le pas lavé de l’écume de mer, elle n’est là, pas présente. Je n’ai, me semble-t’il que cela en mémoire, enkysté en la cellule, un atavisme de plus, quoi, cette “nomadité’’, ancrée en l’être, comme une double nature subtile si concrète. C’est toujours comme ça, on vient sur ce bout de caillou, quelque part en un espace si infini que l’on ne peut même pas y trouver à redire, et à qui d’ailleurs ?… il y a belle lurette que si responsable il y eut, il ne répond plus à ce genre de questions !… ou à quoi que ce soit !… et on nous dit : « Maintenant marche, marche, marche jusqu’à plus soif, marche et marche sans arrêt jusqu’à ce que tes jambes ne se puissent plus te porter, marche les déserts, les villes, les cités, les silences, les mers et les mondes, marche et marche encore. Et puis, et puis quoi ?…
N’est-ce fait que pour ça, un homme, que de marcher ?… ah ? Bon !
Alors je vais marcher, je vais errer !

Je suis en la Cité de l’Aurore. Le jour n’est pas encore levé et tout mon corps est tout à coup saisi d’une attention, d’un quelque chose de pas normal, c’est là, ça se passe en moi ?… autour de moi ?… je suis subitement immergé, non, adoubé… de quoi ?… je suis couvert, comme de la demi-sphère d’une nuit, c’est jaune et gris, c’est grand, immense et je Sais. Je sais et pourtant il n’est pas un son qui ne soit prononcé, émis. C’est un disciple, ‘le Pur’* (1) était le nom que lui avait donné le ‘TOUT-VIVANT’, qui me donnait à voir cet être immense, et je vis en la voûte suspendue vers laquelle mes yeux plongèrent un petit trou, l’espace d’une pastille, et je m’approchais par la magie de la vision et vis que cela était moi, la représentation de ma place en cet être. Je perçus par le langage muet de la connaissance subtile le sens des paroles qui me furent adressées : – « Tu es cette part de cet être, tu es celui qui a deux jambes et qui se peut marcher sur terre, tu es celui qui a mission de réaliser ce que nous n’avons pas accompli totalement du temps de notre incarnation dernière, c’est à toi de le réaliser, tu as cette vie pour cela. » Je contemplais et baignais encore longtemps en cette substance subtile si vivante du sens, qui progressivement se fluidifia puis s’opacifia pour finalement disparaître laissant la place à l’aube montante se peuplant des premiers sons de voies humaines encore lointaines à mon être empli du Réel.
Ah oui, marcher, ça je connais, mais accomplir ce qui ne put être réalisé auparavant , cela se pouvait donner un sens à la marche, à l’errance, il est vrai. Au moins j’aurais appris quelque chose, c’est qu’on peut errer de par le monde tout en sachant pourquoi on erre, pourtant, ça n’empêche pas d’errer !
Bien, errons donc !
Ce goût d’enfance, ce goût d’incompréhension du monde, ce goût si puissant qui est là si présent, comme un regard qui cherche il est vrai quelque peu désespérément à trouver en ce monde des choses et des êtres un sens, une complicité secrète et intime qui soit une Lumière qui se puisse enluminer les quelques jeunes pages d’une vie déjà si trouble. C’est là, c’est tellement souriant en le trivial des jours qui se passent sans réponse vraiment ? Ah si, une lumière enfin, quelque chose qui a enfin écho et sens en le secret profond de l’être, quelques signes, hiéroglyphes-découvertes des mondes à venir. Cette joie qui m’envahit de voir là, incarnées, ces forces magiques à venir ; elles sont là, naissantes et riches de promesses, en leur propre lumière “typographiée’’, ces lettres merveilleuses qui s’“originent’’ en l’Alpha des mondes de la Connaissance.
Enfin un liant, un lien, un lieu d’échange avec le monde, une errance de vide en moins, cette joie qui inonde ce déjà souffrant si “emprunt’’ de solitude, ne plus être si seul vraiment, cette main tendue qu’est le Mot, si porteur du Sens. Le sens donné à notre errance se pourrait-il être expliqué ainsi ?… Soif, soif, soif d’enregistrer enfin cette magie si pleine et vivante, cette magie qui se peut prendre corps et lumière, magie blanche et magie noire des textes déroulant le sens secret des pensées et des lois des mondes. Cela aurait-il le pouvoir d’arrêter Errance, cette compagne pérégrine déjà si présente peut-être même avant que de n’être, que ne naître ?…
Rythme, lumière, enluminures, pleins, vides, noirs, blancs, corps, fûts, jambages, panses, autant de vies qui s’animent et peuplent de caractères les pages des pensées trop lourdes déjà des hommes.
Trouver le Sens, errer pour trouver le Sens, marcher, cela se peut prendre un sens, il est vrai.
Marcher comme ces lettres qui courent sur le papier, se tentant de définir, de circonscrire la quête du Sens, le saisir, l’étreindre, le serrer sur son cœur, sur son âme, comme un amour infini qui ne se peut pas ne pas continuer, qui ne se peut se finir, le garder, il est si tant là, si présent, si aimant, si vivant, si presque corporel, comme un vivant vivant de Vie vraie, si vraiment vivant !… L’espace d’un instant, l’espace d’une nostalgie, d’un numineux déjà presque disparu, l’espace d’une essence si tant aimée de notre âme, si tant lourd d’un Connu pourtant déjà oublié. — Ah… cette lumière en le cœur, que ne ferait-on pas pour aller jusqu’à la rendre de force captive en le donjon de notre désir secret de Dieu ; mais voilà, il y a le chemin de notre inaccompli, il y a ce chemin à faire en les vastes espaces vacants du Temps, ce filtre géant, ces merveilleux ingrédients pour faire d’errance notre platée de nomade imposée des lois de notre Ignorance encore.
Pourtant en quelque part quelque chose a bougé, j’ai découvert en le signe un aspect de l’impuissance des hommes, un secret de leur solitude inavouée, je suis il se peut déjà moins seul, mais que cela se peut-il encore vraiment bien vouloir dire ?

*(1) PAVITRA, le ‘Pur’, nom donné à Philippe BARBIER Saint HILAIRE, savant polytechnicien et disciple français de Sri AUROBINDO et de ‘la Mère’.

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De la NUDITÉ et de l’ERRANCE
De la NUDITÉ et de l’EXIL
De l’EXIL et de la NUDITÉ

Sur les chemins de la NUDITÉ, l’ERRANCE
Sur les chemins de l’ERRANCE, l’EXIL
Sur les chemins de l’EXIL, la NUDITÉ
Sur les chemins de la NUDITÉ, l’EXIL
Sur les chemins de l’ERRANCE, la NUDITÉ
Sur les chemins de l’EXIL, l’ERRANCE

 


Errance, je t’aime.
Nudité, je t’aime.
Exil, je t’aime.
Je vous aime parce que je suis vous et vous avez le pouvoir de me monter qui je suis.
Aimer, aimer, que ça, rien d’autre, rien de plus, rien de moins, aimer tout simplement, mais vraiment !

   
         
 
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